Quand Palerme et Naples étaient françaises
J’ai terminé il y a peu un livre qui m’a passionné. Afin de pouvoir le partager avec vous j’ai contacté l’auteur afin qu’il nous en fasse une “brève” présentation. Stéphane.
Les Editions Charles Herissey viennent de publier, sous la plume d’Arnaud des Roches de Chassay, une histoire de la présence française en Italie du sud. En résumant ce livre, on pourrait dire qu’il raconte comment les guerres d’Italie, menées par tous les rois de France de la Renaissance, ont trouvé leur cause première dans la présence à Salerne, vers 1100, d’un groupe de pèlerins normands !
Voici que ces braves gens, au retour d’un pèlerinage à Jérusalem, ont l’occasion d’aider les habitants de Salerne à se débarrasser d’une bande de pillards venus de Sicile. Vainqueurs, ils sont acclamés et rentrent chez eux en racontant leurs exploits : « En Italie du sud, disent-ils, outre le soleil et une terre facile à cultiver, il y a un « marché » pour qui accepterait de servir les gens de là-bas, car ils ont besoin de protection et ne savent pas se battre ».
Trop nombreux pour la ferme familiale, quelques uns des frères Hauteville quittent Valogne pour l’Italie et s’y font mercenaires. Leur succès est immédiat. Mais ils sont assez vite conduits à travailler pour eux-mêmes plutôt que pour les autres, ils s’approprient le pays. Evénement déterminant : quand le pape leur reproche d’être des conquérants rançonnant les campagnes, et s’arme contre eux, ils battent ses troupes à Civitate. Considérés comme invincibles, ils sont dès lors engagés par tous ses successeurs pour intervenir militairement dans le conflit qui oppose le Saint-Siège à l’empereur, à propos des investitures. Ils deviennent les arbitres entre papes et empereurs, à l’époque les deux autorités les plus considérables.
Robert et Roger achèvent la conquête de tout le sud de la péninsule et de la Sicile. Roger II d’Hauteville devient même roi de Sicile et de Naples, et sultan de Palerme ! Sa fille posthume, Clémence, épouse l’empereur d’Allemagne, Henri, le fils de Barberousse, et leur fils unique est l’immense Frédéric de Hohenstaufen.
Que celui-ci cumule les couronnes impériale et sicilienne ne peut qu’inquiéter Rome qui craint par dessus tout de voir le sud et le nord de ses territoires pontificaux pris dans les mâchoires d’une tenaille qu’une seule main pourrait serrer. De plus, ses innovations, scientifiques sont trop en avance, ses bonnes relations avec le monde arabe, sa croisade pacifique déplaisent : Frédéric devient l’ennemi juré de la papauté.
Etant parvenu à l’éliminer, lui et ses descendants, le pape confie le royaume de Naples à un frère de Saint Louis, Charles d’Anjou. Charles d’Anjou transfère la capitale du royaume à Naples, délaissant la Sicile qui, en mars 1282, se révolte contre les Anjou (Les « Vêpres Siciliennes ») et se donne à l’Aragon.
Désormais, la Méditerranée va être le théâtre de ce long conflit qui oppose les rois d’Aragon aux princes d’Anjou. Naples changera vingt fois de maître. La descendance de Charles d’Anjou ne saura pas conserver l’héritage. On y verra successivement Charles II, puis Robert d’Anjou, puis la reine Jeanne… qui appelleront à l’aide les Anjou de la seconde dynastie, Louis Ier, Louis II, Louis III. Même « le bon roi René » ira là-bas… Pour rien. Tous pourtant, porteront brièvement le titre glorieux de « Roi de Naples ».
Mais les rois de France prétendront tout de même récupérer l’héritage : ainsi Charles VIII, Louis XII et François 1er. Et Pavie mettra un point final à leurs prétentions.
Point final ? Pas tant que cela : Un Guise, lointain descendant des Anjou, tentera lui aussi d’y prendre pied. Sa tentative n’aura pas de suite. Puis on espérera que Philippe V, le petit-fils de Louis XIV, devenu roi d’Espagne, puisse assurer une présence française dans sa colonie napolitaine. Sa descendance Bourbon y est encore, mais sans la France.
Puis ce sera le Directoire qui, avec le général Championnet, fondera là-bas l’éphémère République Parthénopéenne. Enfin, sur ordre de Napoléon, on verra le général Murat devenir Roi de Naples.
Tout cela parce qu’une bande normands a autrefois fait étape à Salerne au retour d’un pèlerinage à Jérusalem ! Quelle extraordinaire aventure !
Une aventure dont, dans l’Italie d’aujourd’hui, on trouve avec bonheur les traces à chaque pas. Quand l’on se promène en touriste dans ces merveilleuses contrées de Sicile, de Calabre, du Basilicate ou de la Pouille, chaque ville, chaque village, chaque détour réserve une surprise : ici, c’est une église construite par les Normands, là c’est l’un des châteaux de Frédéric, ailleurs, ce sont les cathédrales angevines avec leurs mosaïques, plus loin, voici le cloître de Montréale, les palais de Palerme, les monuments de Naples.
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